Votre rapport personnel avec la nature ?
Nicolas Marotte : J'ai grandi à la campagne. Avant de devenir un véritable citadin, j'ai donc été un enfant de la campagne. Quand je repense à cette époque, je me souviens des promenades avec mon grand-père, on ramassait les champignons, il m'apprenait le nom des plantes, me montrait les transformations des saisons. J'aime vivre en ville désormais mais je m'enfuis dans la nature chaque fois que je le peux. Ce qui me frappe souvent, c'est que rien n'est laid dans la nature, tout est surprise, calme, découverte. Pas comme la ville justement.
Vos gestes au quotidien pour préserver la nature ?
Nicolas Marotte : Je ne suis sans doute pas exemplaire mais j'ai adopté pas mal de petites pratiques dans mon mode de vie. Quand on se promène, on a toujours un sac avec nous pour ramasser des déchets (sur les plages notamment), je privilégie les marques qui ont des engagements connus en faveur de l'environnement, j'utilise de moins en moins mon véhicule au profit de la marche ou d'autres moyens de transport, … Et puis surtout, ne rien banaliser, en parler beaucoup autour de soi, avec ses enfants…
Une expérience marquante qui vous a fait prendre conscience de l’intérêt d'en prendre soin ?
Nicolas Marotte: Ce qui me touche le plus, ce sont les risques liés au réchauffement climatique. C'est vrai que l'on se réjouit régulièrement qu'il fasse doux, qu'on ait de belles journées en hiver, et je suis le premier à en profiter. Ca ne va pas me rajeunir mais mes premières prises de conscience datent des alertes données par certains visionnaires comme Haroun Tazieff ("Ouvrez donc les yeux") ou le Commandant Cousteau ("Le Journal du Commandant Cousteau"). L'évocation de la destruction de la calotte glaciaire, le risque de voir disparaitre les ours blancs ou des terres entières m'avaient déja ému à cette époque. Yann Arthus Bertrand et sa Fondation "Good Planet" ont eux aussi partagé tant d'images effarantes de cette réalité. Je redoute les conséquences pour notre planète et pour ses habitants.
En quoi la nature est-elle une source d’inspiration pour vous, dans votre rôle de dirigeant d’entreprise ?
Nicolas Marotte : Depuis sa création en 1999, nous avons toujours souhaité chez innocent "laisser les choses dans un état un peu meilleur que celui dans lequel nous les trouvons". La Nature a été bien évidemment au cœur de ces préoccupations. Pour la recherche de nos fruits, nous travaillons en direct avec chacune des fermes qui les produisent. Nous n'envisageons donc jamais de nous procurer ces précieuses matières premières sans que la Nature et ceux qui y travaillent soient au cœur de nos préoccupations. A la fin de cette année 2021, 100% de nos fruits seront issus de pratiques d'Agriculture raisonnée. Et dans un défi encore plus grand, nous avons pris l'engagement lors de la COP 25 d'être totalement neutres en carbone au plus tard en 2030. Probablement avant si nous le pouvons.
Vos héro(ine)s concernant la préservation de la nature ?
Nicolas Marotte: Question très difficile car je vais donner un nom très connu alors que tant de personnes formidables se battent chaque jour pour préserver cette Nature. Pour moi, Barack Obama a au cours de ses deux mandats été un acteur incroyable en faveur de la Nature et du Climat (Clean power plan, création de la plus grande réserve marine du monde à Hawaï, Sanctuarisation de millions d'hectares dans l'Arctique, Financement généreux du Fonds vert pour le climat, …). A cet égard, on peut se rappeler ses paroles lors de la COP 21 à Paris : "Nous sommes la première génération à avoir déclenché le changement climatique, mais nous sommes peut-être la dernière à pouvoir faire quelque chose ». Et sinon, j’ai eu l’occasion d’observer de près le travail des équipes du WWF, c’est tout à fait spectaculaire.
Le rôle à jouer par les entreprises pour relever les grands défis environnementaux ?
Nicolas Marotte : Ca n’est pas simple. Les entreprises ne sont pas complétement maitres de leurs décisions : elles ont des actionnaires qui doivent les soutenir, modifier leurs pratiques ou construire un modèle basé sur des pratiques vertueuses coûte cher (il faut réussir à en transférer tout ou partie aux consommateurs finaux, le risque est grand de se décaler Vs ses concurrents, …) et puis, il faut aligner l’ensemble des équipes dans un même esprit. Au-delà des entreprises, les états doivent aussi jouer leur rôle avec une fiscalité incitative, des encouragements adaptés et aussi du réalisme pour que soient bien prises en compte les contraintes des entreprises. Tout ceci étant indiqué, je suis convaincu que dans cette partie du monde, la question se pose de moins en moins et la prise de conscience se propage à très grande vitesse. Les actions aussi. C’est encourageant.
Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste sur la capacité des entreprises à relever les grands enjeux environnementaux dans les années à venir ?
Nicolas Marotte: Je suis optimiste, oui. Pas de stigmatisation, tous les efforts sont bons à prendre. Là où il y aura une volonté, il y aura des résultats. Je suis convaincu que les efforts vont s’accélérer, notamment parce que de plus en plus d’acteurs joueront le jeu.
La principale imperfection de votre entreprise concernant l’environnement ?
Nicolas Marotte: On fait de notre mieux, on essaie d’être « good all round », on travaille de façon multiple sur toutes sortes d’enjeux. Si je devais indiquer une « imperfection », je dirais qu’à vouloir être bons partout, on ne va peut-être pas assez vite sur certains sujets. Mais notre modèle est ainsi fait : on ne renoncera pas par exemple à tous les efforts que nous faisons en faveur des communautés qui travaillent dans les fermes ou à l’affectation de 10% de nos bénéfices pour lutter contre la faim dans le monde.
Une transformation réalisée par votre entreprise pour produire mieux (en étant plus respectueuse de la nature) ?
Nicolas Marotte : Nous avons développé de nouvelles pratiques agricoles pour la production de nos fraises en Espagne. Ces pratiques permettent des économies d’eau douce considérables. L’ensemble des fermes de la région sont formées à ces pratiques et nous sommes heureux d’associer d’autres entreprises qui achètent également leurs fraises dans cette région à ce programme.
Une action de votre entreprise pour inciter ses consommateurs à être plus respectueux de la nature ?
Nicolas Marotte : Nous croyons aux vertus de l’économie circulaire qui doit réduire l’utilisation des ressources fossiles. Nous menons de très nombreuses actions de communication pour encourager les consommateurs à ne pas jeter les emballages dans la nature et à les remettre dans les circuits de récupération.
L’action engagée par votre entreprise en faveur de l'environnement, dont vous êtes le plus fier ?
Nicolas Marotte: En 2021, nous ouvrons notre première usine. Nous l’appelons « le Blender ». Cette usine sera neutre en impact carbone, elle sera l’usine la « plus développement durable du monde ». Nous avons toujours souhaité démontrer qu’il était possible de construire un business qui fonctionne tout en ne se préoccupant pas seulement de profit et que nous utiliserions comme une « force pour le bien ». « Le Blender » est un symbole de nos efforts pour rendre cette intention palpable. C’est une étape décisive pour poursuivre notre ambition qui consiste à prouver que l’équilibre entre les personnes, la planète et le profit fonctionne.
Les bénéfices pour votre entreprise d’agir positivement pour la nature ?
Nicolas Marotte: Ca ne sert à rien de faire des efforts si vous ne réussissez pas à vendre vos produits. Plus nous en vendons, plus nous pouvons pousser les causes auxquelles nous croyons. Et plus nous y croyons, plus nous sommes motivés à bien travailler. C’est une œuvre collective avec l’incroyable investissement de nos équipes, le support formidable de nos partenaires et l’adhésion de nos clients. Une magnifique dynamique vertueuse.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
Nicolas Marotte : Je suis un amoureux de la vie et un hyper-actif, je manque de temps pour faire tout ce que j’ai à faire... La vie éternelle m’irait très bien...
Un conseil pour encourager les entreprises à s’engager plus massivement pour la nature ?
Nicolas Marotte : A mon sens, la plus grande erreur consiste à réfléchir en terme de ROI. Travailler en faveur de la nature, c’est d’abord et avant tout une affaire de conviction, pas de business. Il faut d’ailleurs de nombreux efforts répétitifs, obscurs, précis, … pour commencer à prétendre être un acteur crédible, à en faire même un attribut marketing. Il faut donc savoir être actif mais modeste.