Votre rapport personnel avec la nature ?
Charles Kloboukoff : Je le tiens d'abord de mon grand-père qui avait pour adage "moins on prend de médicaments, mieux on se porte" et qui préférait les produits naturels pour stimuler l'immunité plutôt que les médicaments. J'ai toujours baigné dans la nature, depuis l'enfance : les randonnées en colonie de vacances, le potager extraordinaire de mon oncle qui faisait pousser des légumes de formes étranges…
Votre geste au quotidien pour préserver la nature ?
Charles Kloboukoff : A la maison mon jardin potager bio, et dans mon activité quotidienne à travers Léa Nature puisque dès sa création j'ai eu pour objectif de proposer des produits biosourcés respectueux de la biodiversité.
Une expérience marquante qui vous a fait prendre conscience de l’intérêt d'en prendre soin ?
Charles Kloboukoff : J'aime être en admiration devant la nature, et m'émerveille autant lors de balades dans des espaces naturels en France qu'en nageant avec les tortues aux Galapagos. J'ai voyagé au Costa Rica, un pays qui fait énormément pour reforester, pour la biodiversité et qui a développé des formes d’écotourisme durable.
En quoi la nature est-elle une source d’inspiration pour vous, dans votre rôle de dirigeant d’entreprise ?
Charles Kloboukoff : Chez Léa Nature, nous sélectionnons nos matières premières en fonction de leur biotope : Par exemple, les terres volcaniques de Sicile sont excellentes pour les citrons, qui y ont une qualité et un goût extraordinaires, comme la Grèce pour les oranges.
On s'intéresse aussi au biomimétisme : Les liens entre les champignons et les racines nous ont inspiré pour nos produits de cosmétique. Chaque actif a une action propre, et ce qui nous intéresse c’est aussi les synergies entre ces actifs. En entreprise, ce sont aussi ces interactions entre les êtres vivants, cette notion d'écosystème, qui sont vraiment intéressantes.
Vos héro(ine)s concernant la préservation de la nature ?
Charles Kloboukoff : Yvon Chouinard, le fondateur du 1% pour la Planète ou encore Tristan Lecomte pour le insetting*, cette façon d’agir sur son empreinte environnementale au sein de sa propre chaîne de valeur. Ce sont des passionnés qui contribuent à préserver nos écosystèmes.
* insetting = évaluer, réduire et compenser l'empreinte climatique et environnementale d'une entreprise
Le rôle à jouer par les entreprises pour relever les grands défis environnementaux ?
Charles Kloboukoff : Je suis conscient que relever ces défis n'est malheureusement pas une préoccupation majeure pour nombre d’entre elles, car il y a toujours ce paradoxe entre le coût et le retour sur investissement qui se fait parfois à très long terme. Par exemple, nos investissements pour des installations qui favorisent les énergies douces ne sont pas rentables avant 15, 20 ou même 30 ans…
Pour le moment, une minorité d'entreprises crée le mouvement de transformation, souvent les ETI ou les start-ups…
Comme les citoyens exercent une forme de pression sur ces questions, le marketing tend à s’adapter aux nouvelles tendances, mais les entreprises se contentent bien souvent de se « repeindre en vert », en changeant d’image avant de changer de modèle alors que la logique voudrait qu’elles commencent par développer une vision sur le long terme et agissent en conséquence avant de communiquer, pour être vraiment sincères.
Etes-vous plutôt optimiste ou plutôt pessimiste sur la capacité des entreprises à relever les grands enjeux environnementaux dans les années à venir ?
Charles Kloboukoff : Je suis résolument optimiste. Il y a un schisme dans la nouvelle génération : Nombreux sont les trentenaires qui veulent s'éloigner d'un monde urbain qui nous fait vivre hors sol…Et au moins 30% des consommateurs veulent consommer plus responsable, plus local. Avec l'inflation majeure qui arrive sur les prix de l’énergie, et donc des transports, la consommation locale va forcément progresser.
Il faudrait que la fiscalité - au niveau communautaire- soit plus responsable et incitative pour que les entreprises changent. En attendant, ce sont les citoyens qui sont les vrais moteurs du changement.
On sent une prise de conscience majeure des citoyens. On est tous questionnés par nos enfants. Avant c’était le prestige, la rémunération, la taille de l'entreprise qui étaient importants, aujourd'hui, on a gagné en profondeur, on recherche plus de sens dans son travail.
La principale imperfection de votre entreprise concernant l’environnement ?
Charles Kloboukoff : Sur les emballages on peut mieux faire ! Par exemple, sur les jus de fruits, nous n'avons pas trouvé de solution idéale, le verre a une meilleure perception que le plastique, mais en terme énergétique c’est catastrophique… Et on ne peut pas uniquement avoir du vrac non plus !
Une transformation réalisée par votre entreprise pour produire mieux (en étant plus respectueuse de la nature) ?
Charles Kloboukoff : Nous consacrons jusqu'à 5 % du bénéfice de Léa Nature pour développer et soutenir les filières locales en agriculture biologique.
Une action de votre entreprise pour inciter ses consommateurs à être plus respectueux de la nature ?
Charles Kloboukoff : Au BIO’Pôle de Léa Nature, un lieu que nous avons créé près de La Rochelle, ouvert à tous et dédié à la protection de l’environnement, nous réalisons des actions de sensibilisation avec des associations locales : un potager bio avec des solutions en permaculture, l'accueil d'écoles pour montrer aux jeunes le lien entre le jardin et l'assiette, ou encore pour les salariés, nous faisons intervenir des personnalités comme Cyril Dion venu récemment nous présenter son dernier film Animal. Nous influençons aussi par la réussite économique : Je crois beaucoup à l’exemple réussi.
L’action engagée par votre entreprise en faveur de l'environnement, dont vous êtes le plus fier ?
Charles Kloboukoff : C'est d'avoir été pionnier, d'avoir développé des marchés en Bio, d'avoir ainsi suscité notre propre concurrence et donc provoqué le changement chez de plus gros acteurs qui aujourd’hui nous suivent.
Les bénéfices pour votre entreprise d’agir positivement pour la nature ?
Charles Kloboukoff : Je peux recruter de plus en plus de profils de haut niveau, les personnes qui viennent de grosses entreprises et veulent venir chez nous ne manquent pas.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
Charles Kloboukoff : La capacité de vivre en totale harmonie avec les cycles de la nature : vivre au rythme des saisons, des floraisons, des fructifications, se relier au monde vivant, aux planètes, aux marées...tout est interaction.
Un conseil pour encourager les entreprises à s’engager plus massivement pour la nature ?
Charles Kloboukoff : On peut donner des impulsions par la création d'un comité RSE par exemple, mais pour démultiplier et être force de changement, il faut redonner l’initiative à tous : sortir du top-down, créer des interactions, décloisonner, mélanger des influences d’artistes, de philosophes, de politiques… cela favorise l'émergence d’idées nouvelles, cela crée une force en mouvement.