Votre rapport personnel avec la nature ?
JC Sibileau : Je suis né à Saumur, en province, et j'ai vécu dans un village jusqu’à 18 ans avec une proximité à la nature qui fait partie de mon ADN. J’ai vraiment besoin de ce rapport de proximité à la nature, mon rêve personnel est de vivre dans une maison avec vue sur la mer, de voir l'horizon…
Vos gestes au quotidien pour préserver la nature ?
JC Sibileau: Le plus évident est le tri sélectif : c'est une toute petite contrainte quotidienne qui fait une grosse différence ! Quand j'étais enfant, on n'en parlait même pas, alors qu'aujourd'hui c'est hyper simple, cela demande très peu d'efforts, il suffit de s'y mettre.
Une expérience marquante qui vous a fait prendre conscience de l’intérêt d'en prendre soin ?
Plus tard, alors que je vivais et travaillais aux US, ma fille, juste après son bac, a voulu se diriger vers des études de RSE, j'avais à peine entendu parler de ce sujet à cette époque.
Depuis 10 ans, les réseaux sociaux, jouent un rôle de caisse de résonnance, ils réveillent les consciences écologiques en faisant de la pédagogie et en donnant plus de visibilité à l'enjeu de l'environnement.
En quoi la nature est-elle une source d’inspiration pour vous, dans votre rôle de dirigeant d’entreprise ?
JC Sibileau: Le rapport à la beauté est important quand on travaille pour des marques, et la beauté de la nature est une grande source d'inspiration.
La protection de la nature étant une aspiration globale de la société, ma responsabilité de dirigeant ne peut pas s'arrêter à la conduite d’un modèle économique, je considère comme essentiel le rôle sociétal que peuvent jouer les entreprises.
Vos héros concernant la préservation de la nature ?
JC Sibileau: J'ai eu l'occasion de rencontrer Jean-Marc Jancovici : il m'a impressionné par l’étendue de son savoir et sa capacité à expliquer et faire comprendre les problèmes liés au changement climatique. Il m’a fait prendre conscience de la complexité des sujets et mis en garde contre la tentation de les aborder d’une façon trop simpliste… Chez Agricool, je suis entouré de jeunes, surdiplômés, brillants, passionnés, eux aussi m’impressionnent par leur capacité à aller vraiment au cœur des sujets, à ne jamais s’arrêter à la surface des choses quand il s’agit du sujet de l’environnement.
Avec l’éclairage d’ACV poussées, ils réalisent des choix éclairés contre-intuitifs : on peut par exemple faire le choix d’un emballage flowpack en plastique, car il s’avère plus vertueux qu'un sachet à base de papier et permet d’assurer la même fonctionnalité, chiffres à l’appui. L'engagement de ces générations concerne tout autant leur vie personnelle. Par exemple, ils simulent leur empreinte carbone sur une appli spécialisée avant d’envisager tout voyage en avion et ils ne s’autorisent à le prendre qu’occasionnellement, en prenant soin de bien prioriser.
Le rôle des entreprises pour relever les grands défis environnementaux ?
JC Sibileau : Nous vivons dans un pays démocratique, avec une économie libre : les pouvoirs publics peuvent être incitatifs mais le changement ne pourra venir que du privé, des entreprises. Ce sont elles qui ont la capacité d’opérer des choix d’allocation de ressources, d’influencer la manière de consommer, de faire bouger les modèles.
Etes-vous plutôt optimiste ou pessimiste sur la capacité des entreprises à relever les grands enjeux environnementaux dans les années à venir ?
JC Sibileau : Optimiste ! Si les gens de ma génération sont plutôt dans la compréhension et l'acceptation des enjeux environnementaux, les jeunes générations sont habitées et orientées dans l'action. Avec le renouvellement générationnel, on va vraiment se saisir du sujet environnemental.
Les jeunes générations sont super engagées, elles frappent facilement à la porte start-up comme Agricool ou d’autres qui participent au changement de modèle, mais attention elles sont aussi contradictoires car nombreux sont ceux qui se tournent vers des entreprises qui assurent la livraison au dernier kilomètre ou des modèles digitaux peu vertueux comme les crypto-monnaies, très consommateurs d'énergie, de ressources naturelles, de métaux rares...
Aujourd’hui, les grosses entreprises en améliorant leurs pratiques ont un impact immédiat et positif, mais elles sont contraintes par leur modèle économique existant qui les bride. Les startups travaillent à partir d'une feuille blanche, elles ont la possibilité de casser les codes, ce sont elles qui demain auront le plus d'impact : leurs contraintes économiques sont quasi inexistantes, notamment grâce à l’écosystème d'économie à impact, les milliards d’euros investis par les fonds à impact permettent de défricher de nouvelles solutions sans logique de retour sur investissement immédiat, c’est comme cela que l’on créé de nouveaux modèles qui feront la différence dans l’avenir.
Une transformation réalisée par votre entreprise pour produire mieux (en étant plus respectueuse de la nature) ?
JC Sibileau : C'est l'essence même d'AGRICOOL : un mode de culture vertueux dans un lieu totalement fermé donc sans possibilité de nuisibles et sans aucun besoin de pesticides.
Le modèle de production est aussi extrêmement économe en eau, ce qui est clé quand on sait que l'agriculture représente 2/3 de la consommation d'eau dans le monde.
La principale ressource consommée par ce système de culture indoor, c’est l’énergie qui est 100% renouvelable, car hydro électrique.
Une action de votre entreprise pour inciter ses consommateurs à être plus respectueux de la nature ?
JC Sibileau : L’essence d'AGRICOOL, c’est aussi la production locale au plus proche des lieux de consommation, dans les grandes villes. Quand on sait qu’en France, 1/3 des salades sont importées d’Espagne ou d’Italie, cela prend tout son sens. On a démarré avec Paris, maintenant qu'on a prouvé la rentabilité économique de notre modèle, notre ambition est de le déployer à l’échelle dans d'autres grandes villes de France et d'Europe, et d'élargir l'offre produits au-delà des fraises, salades et herbes aromatiques pour permettre l'accès à une alimentation toujours plus fraîche et locale.
La principale imperfection de votre entreprise concernant l’environnement ?
JC Sibileau : Les emballages en plastique, même s’ils sont réalisés en matériaux recyclés et s’ils sont recyclables (r-PET), ce n'est pas la solution idéale. Nous travaillons pour trouver des emballages alternatifs plus rupturistes.
L’action engagée par votre entreprise en faveur de l'environnement, de laquelle vous êtes le plus fier ?
JC Sibileau : Le long de la chaîne alimentaire, 50% de la biomasse produite n'est pas consommée : 1/3 des pertes ont lieu en amont (entre le champ et la transformation), 1/3 durant le process de transformation et de distribution (tri, lavage…) et le dernier 1/3 chez les consommateurs (lié aux dluo courtes)
Avec le modèle Agricool, on produit localement toute l'année, on réduit le transport, on raccourcit la chaîne d’approvisionnement, on diminue notre empreinte carbone et à l’arrivée, les produits sont plus frais, on évite beaucoup de perte tout au long de la chaîne d’approvisionnement : tout ce qui est produit est transformé et livré à J+1.
Au final, on peut estimer qu’on divise le gaspillage par 2.
Les bénéfices pour votre entreprise d’agir positivement pour la nature ?
JC Sibileau : On ne se pose pas la question, car cela fait partie de la mission de l'entreprise : Contribuer chaque jour à la construction d'un nouveau système alimentaire, plus sain, plus responsable.
Pour recruter, nous n'avons pas les avantages des grosses entreprises en termes de confort, mais nous sommes très attractifs car Agricool répond aux besoins des nouvelles générations de plus de sens et d’un impact sociétal positif. Les jeunes qui viennent à nous ne réfléchissent plus en termes de pouvoir, de salaire, de perspectives de carrière. Leur priorité est d'avoir une vie professionnelle qui a du sens et dans laquelle ils s'épanouissent.
Le don de la nature que vous voudriez avoir ?
JC Sibileau : Sans hésiter, voler ! J'ai pratiqué la chute libre, j'ai vécu les sensations les plus dingues qu'on puisse connaître, ce sentiment de liberté, de grands espaces… c’est magique !
Un conseil pour aider les entreprises à s’engager plus massivement pour la nature ?
JC Sibileau : Penser à ses enfants et à ses petits-enfants !
On est tous un peu égoïstes. Entre la conscience collective et l'individualisme, on se dit que la vie sur terre est courte, qu'il faut en profiter… Mais quand on devient père ou mère, on pense davantage à ce qui nous survit sur terre, nos enfants, cela permet d'agir pour leur futur.